Exposition virtuelle sur Jean Leray
Le 17 Juin 2002 le Laboratoire de Mathématiques de Nantes s'est attaché le
nom du mathématicien nantais Jean Leray.
Jean Leray au parc de Sceaux (1985),
Jean Leray à la Royal Academy (1991).
Autobiographie (extraits)
Je suis né le 7 novembre 1906 [...] en Bretagne, à Nantes , à la
frontière de la Vendée. [...]
C'est à mon père que je dois l'essentiel de mon éducation et de ma
formation scientifique. C'est grâce à lui qu'à 11 ans je connaissais
les nombres premiers, étais un adepte du darwinisme, étais passionné
par la science, m'imaginant qu'elle avait tout expliqué. Aussi au Lycée
de Nantes, l'enseignement de la chimie et de la physique m'ont un peu
déçu. On ne m'introduisait pas dans les arcanes de leur théorie. Parfois
le professeur disait : ``on démontre que'' et observait ma réaction avec
un amusement discret qu'il me révéla des années plus tard ; je le
foudroyais du regard quand il osait dire ``on démontre que'' ; j'étais le
seul élève à le faire. [...]
De modestes succès au concours général
me prouvèrent que je pouvais accéder aux grandes écoles. Grâce au Lycée
de Rennes, j'entrai rapidement à l' École Normale supérieure. J'y trouvai,
ainsi qu'à la Sorbonne, c'est-à-dire à la faculté des sciences de Paris, et
au Collège de France, des maîtres extraordinaires. [...]
C'est l'enseignement de mon regretté maître Henri Villat qui guida mes
premières recherches. Quant à mon jugement politique, il se forma
lentement. Passant à l'Université de Berlin l'hiver 1932-1933, je vécus
avec angoisse l'accession à la Chancellerie allemande d'un homme
violent, déjà criminel, prônant un génocide. Seule une guerre, à
laquelle je participais six ans, pouvait le vaincre et l'éliminer. Cinq
de ces six années furent des années de captivité et de lutte sourde
contre les allemands. Années riches en enseignements humains. [...]
J'étais mobilisé dans l'armée française, dans la défense contre
avions, avec matériel datant de 1916 ou 1917, matériel extrêmement
vieux, ridicule, inefficace. J'avais à protéger les alentours de Nancy.
J'étais professeur à Nancy (depuis 1936), si bien que j'avais
l'autorisation militaire d'y revenir une matinée par semaine donner
rapidement aux étudiants l'essentiel de mon enseignement. Je leur ai fait
passer des examens alors que Nancy était évacué par les troupes
françaises - j'étais pourtant en uniforme - et les allemands
approchaient. [...] Je fus replié par un train contenant un millier de
soldats et quelques mitrailleuses contre avion qui nous ont heureusement
protégés ; [...] nous avons été encerclés dans les Vosges puis
faits prisonniers après la capitulation de l'armée française,
ordonnée par le Maréchal Pétain. [...]
Jean Leray reste cinq années prisonnier dans un camp d'officiers en
Autriche.
Je n'avais rien d'autre à faire, si ce n'est organiser une université de
captivité. Elle avait un gros effectif : nous étions 5000 prisonniers,
dont beaucoup de jeunes, quelques élèves de l'École polytechnique.
L'enseignement était d'un niveau élevé. Les étudiants n'avaient
aucune distraction que l'étude. Ils ne mangeaient pas beaucoup, ils
n'avaient pas bien chaud ; mais ils étaient courageux. Les examens furent
validés par l'Université de Paris.
Jean Leray est nommé Professeur de l'Université de Paris en 1941.
Quant à moi, j'avais divers sujets de recherche en tête. [...] J'ai donc
choisi la topologie algébrique, sujet sans application militaire
immédiate, auquel j'avais apporté une contribution notable, en
collaboration avec
Jules Schauder, un mathématicien polonais de grande
valeur qui fut, en 1943, l'une des victimes de l'holocauste nazi. [...]
Dans cet isolement scientifique grand, mais non total, j'ai eu des idées
assez originales [...]. Comme les faisceaux et la suite spectrale. Ces
notions furent mal accueillies en Amérique au moment de leur publication.
C'était trop difficile. Les Mathematical Reviews demandèrent : "à
quoi ça peut servir ?" Henri Cartan et Jean-Pierre Serre ont montré à
quoi cela sert!
C'est ce qui m'a fait entrer à mon retour de captivité au Collège de
France (en 1947). [...] j'ai enseigné d'abord ce que j'avais fait en
topologie algébrique, avant de revenir à la théorie des équations,
titre de ma chaire.
Une autre année, en revanche, j'y ai enseigné une théorie des
ponts-plaques, c'est-à-dire des ponts qui ne sont que des plaques de
béton, mais un béton qui résiste très bien à la flexion car il
est précontraint, c'est-à-dire longuement comprimé par des câbles
tendus dans la plaque. J'ai fait la théorie de ces ponts-plaques à la
demande de mon fils, ingénieur des Ponts et Chaussées ; c'était aux
antipodes de la théorie des faisceaux.
Membre de l'Académie des Sciences (depuis 1953) et de diverses académies
étrangères, Jean Leray a reçu les prix Malaxa (1938), Feltrinelli
(1971) et Wolf (1979), la médaille d'or Lomonossov (1989).
Il est décédé le 10 novembre 1998 à la Baule.
(publiée in "Hommes de sciences", Hermann, 1990)
quelques
citations de Jean Leray
l'
allocution de Yves Meyer, en format pdf, donnée le 17 Juin 2002 à Nantes.
quelques thèmes mathématiques développés par Jean Leray
théorème du point fixe en format pdf, (rédigé par François Laudenbach)
faisceaux et suites spectrales en format pdf,
(rédigé par Matthias Borer)
formule de Cauchy-Leray en format pdf, (rédigé par Gennadi Henkin)
les travaux de Leray sur les équations hyperboliques en format pdf,
(rédigé par Georgi Popov)
l'équation de Navier-Stokes,
page 1 et
page 2 en format pdf, (rédigé par Nicolas Depauw)
l'indice de Maslov-Leray en format pdf, (rédigé par Colette Anné)
Jean Leray et la Pologne
En 1994, la revue Topological Methods in Nonlinear Analysis éditée
par le Juliusz Schauder Center de Torun (Pologne) publiait un
numéro spécial en l'honneur de Jean Leray.
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